L’éducation des compagnons par le questionnement

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lundi 24 octobre 2016

L’éducation des compagnons par le questionnement

Une des principales méthodes qu'a couramment utilisée le Messager (saw), qui était un pédagogue de grande qualité sous toutes ses facettes, est le questionnement. Il cherchait, à travers cette pratique, à attirer l’attention des personnes, à les pousser à la réflexion et à la recherche et à leur apprendre à créer des liens entre les événements.

Le travail méthodologique est la condition la plus importante menant à la réussite. La méthodologie employée dans le domaine de la prédication religieuse, l’explication des obligations et des interdictions et la compréhension du message divin est donc aussi d’une très grande importance. Il est même question, en réalité, de plusieurs méthodes selon le domaine d’application et les objectifs. Une des caractéristiques les plus importantes de la méthodologie est qu’elle se doit d’être variable selon les lieux et les moments.

Faciliter les choses, ne jamais chercher les difficultés, donner de bonnes nouvelles et ne surtout pas faire fuir et détester la religion (1) aux gens étaient les principes fondamentaux de la méthode d’enseignement et d’éducation du Prophète (saw). Il appliquait cette méthode de différentes façons selon la situation des personnes, les lieux et les moments. L’enseignement progressif de la religion, étape par étape, sans lasser ses interlocuteurs, servir d’exemple à travers sa propre pratique, chercher à motiver ou parfois à faire peur ses interlocuteurs et narrer des événements vécus par les communautés passées sont quelques principes importants de la méthodologie prophétique que nous pouvons citer.

Une des principales méthodes qu'a couramment utilisée le Messager (saw), qui était un pédagogue de grande qualité sous toutes ses facettes, est le questionnement. Il cherchait, à travers cette pratique, à attirer l’attention des personnes, à les pousser à la réflexion et à la recherche et à leur apprendre à créer des liens entre les événements.

Le pilier de la religion : la prière

Selon Abou Hourayra (ra) le Prophète (saw) dit (à ses compagnons) : « Que pensez-vous, si l'un de vous avait devant sa porte une rivière où il se laverait cinq fois par jour, est-ce qu'il resterait une trace de saleté sur lui ? » Ils répondirent : « Il ne lui en reste rien ». Le Messager (saw) dit alors : « les cinq prières quotidiennes sont à limage de cette rivière, Dieu purifie le croyant de ses fautes en raison des cinq prières journalières». (2)

Le Prophète Muhammad (saw) expliqua ainsi l’importance de la prière obligatoire, qui constitue le pilier de la religion, par un langage compréhensible par tous et informa de sa fonction de purification en l’associant à l’eau, qui représente un élément naturel très important de l’environnement dans lequel ses interlocuteurs vivaient. Il indiqua à travers ce hadith que, de même que l’eau purifie les corps, la prière, elle, purifie l’âme de ses péchés et de ses fautes. Tandis que l’un permet la purification physique, l’autre permet la purification spirituelle. Les compagnons purent ainsi comprendre avec aisance l’importance de la prière et en firent un élément essentiel de leur vie.

Savez-vous qui est le mouflis ? (personne ruinée - en faillite)

Abou Hourayra (ra) rapporte que le Prophète (saw) demanda un jour : « Savez-vous qui est le « Mouflis » ? » Les compagnons dirent : « le « Mouflis » pour nous est celui qui a perdu tous ses biens et son argent ». L’Envoyé de Dieu (saw) dit alors : «  Le mouflis de ma communauté est celui qui viendra le Jour de la Résurrection ayant fait la prière, observé le jeûne et s'étant acquitté de laumône obligatoire (zakat), mais ayant néanmoins insulté celui-ci, frappé celui-là, accusé lun à tort davoir forniqué, usurpé les biens de tel autre et répandu le sang dun dernier. La récompense de ses bonnes actions sera alors redistribuée à ses victimes et, si elles sont insuffisantes pour sacquitter de sa dette, cette fois-ci, les péchés et les fautes de ses victimes lui seront attribués, et il sera ensuite jeté en Enfer ». (3)

L’objectif de la question « qui est le mouflis » n’était pas d’enseigner le sens général de ce terme que tout le monde connaissait, mais le Prophète (saw) désirait, à travers cette question, attirer l’attention des compagnons sur le vrai sens de cette appellation, concernant l’au-delà. Il rappela, par la même occasion, que ce jour-là aucune monnaie ne sera valable ; seules les bonnes actions, l’adoration et la bonté auront de la valeur. Celui qui perd sa richesse dans ce monde peut toujours la regagner, mais dans l’autre monde, celui qui a perdu la récompense de ses bonnes actions ne pourra plus jamais la récupérer.

La perte économique cause généralement aussi  une crise psychologique. Le Prophète (saw) fit ressentir aux compagnons le désagrément d’une telle situation pour les prévenir d’une telle erreur. Il put ainsi leur faire comprendre et ressentir le réel sens de leur adoration et de leur obéissance.

Un autre bel exemple que nous pouvons citer est celui qui concerne la colère. L’une des plus importantes fautes que l’être humain commet et qui a souvent des conséquences regrettables est le fait de ne pas réussir à vaincre sa colère et d’agir sous son influence. Le Prophète (saw) illustra et expliqua ce sujet d’une très belle manière ; il demanda aux compagnons quel est le vrai vainqueur d’une lutte et affirma que l’homme fort est en réalité celui qui est capable de vaincre sa colère (4). Nous observons de nos jours que la majorité des personnes emprisonnées l’ont été à la suite d'un acte commis dans un moment de colère ; une action commise soudainement sous l’effet de la colère et s’ensuivent alors les peines et les regrets…

Lutilisation d’énigme

L’Envoyé de Dieu (saw) prenait soin d’utiliser durant sa prédication, afin d’en faciliter la compréhension, des notions et des objets auxquels les compagnons étaient habitués.

Le Prophète (saw) demanda : « Quel est larbre qui ressemble le plus aux musulmans du fait quil reste toujours vert et ne perd jamais ses feuilles ? »

Les gens se mirent à citer des arbres qui leur venaient à l’esprit, mais personne ne trouva. Seul Abdullah bin Omar (ra) connaissait la réponse, mais il eut honte de le dire en raison de son jeune âge (par respect aux plus âgés). Le Prophète (saw) leur indiqua alors qu’il s’agissait du « dattier » (5).

L’objectif du Messager (saw) n’était pas d’amuser les gens ou de s’amuser avec eux. Il fit cette comparaison pour rappeler aux musulmans qu’ils doivent sans cesse être fort et vivant tel le dattier. Dans une autre région, cet arbre aurait pu être le sapin, l’oranger ou l’olivier, mais le Prophète (saw) a préféré user un exemple très courant dans l’environnement de ses interlocuteurs. Un enseignement basé sur des exemples de ce type, qui poussent à la réflexion, permet d’enraciner la connaissance d’une manière profonde dans l’esprit des gens.

Le questionnement et la discussion

La discussion est un échange de propos et de connaissance. Elle peut être aussi un moyen d’enseignement important. Ainsi, l’enseignant peut orienter la réflexion du disciple en posant des questions pertinentes sur le sujet concerné. Le questionnement permet une compréhension plus profonde du sujet, par la personne questionnée, mais aussi par celles qui l’entourent. Le plus bel exemple d’une telle pratique est sans aucun doute le hadith de Jibrîl. L’ange enseigna les fondements de l’islam aux compagnons en questionnant le Prophète (saw) qui se trouvait parmi eux.

L’ange vint ce jour auprès du Messager de Dieu (saw) sous forme humaine et le questionna sur la foi, l’Islam, l’ihssan et les signes de la fin du monde. Cet événement narré dans les sources, durant lequel l’ange questionna le Prophète (saw) pour finalement confirmer les réponses données, a été nommé le hadith de Jibrîl. 

Cela a été rapporté par Abdullah ibn Omar (ra) de son père Omar bin Khattab (ra) de la sorte :

« Un jour, alors que nous étions assis auprès du Prophète (saw), un homme dont les vêtements étaient très blancs et les cheveux très noirs arriva. Rien n’indiquait qu’il était en voyage et personne parmi nous ne le connaissait. Il s’avança et s’assit face au Prophète (saw) appuyant ses genoux contre les siens et posant ses mains sur ses cuisses. Il dit au Prophète (saw) :

« Ô Muhammad ! Informe-moi sur l’Islam ! »

À quoi le Messager (saw) répondit : « LIslam consiste à attester que nul nest digne d’être adoré en dehors dAllah et que Muhammad est le Messager dAllah. Il consiste aussi à observer correctement la prière, à sacquitter de la Zakât, à faire le jeûne du mois de Ramadan et à effectuer le pèlerinage à La Mecque si on en a les moyens ».

« Tu as dit vrai », approuva alors l’homme.

Mon père rajouta : « Nous fûmes étonnés de voir cet homme s’informer auprès du Messager et ensuite  l’approuver.

« Informe-moi sur la foi » dit-il cette fois-ci.

« La foi consiste à croire en Allah, en Ses Anges, à Ses livres, à Ses Messagers et au Jour Dernier. Elle consiste aussi à croire au destin, bon ou mauvais », répondit le Prophète (saw).

« Tu as dit vrai. Informe-moi sur l’ihssan », demanda-t-il encore.

L’envoyé l’expliqua ainsi : « Cest le fait dadorer Allah comme si tu Le voyais, car si toi tu ne Le vois pas, Lui te voit ».

« Informe-moi sur l’Heure », demanda cette fois l’homme, à quoi le Prophète répondit :

« Celui qui est interrogé nen sait pas plus que celui qui linterroge ».

« Informe-moi alors sur les signes de la fin du monde », répliqua-t-il. Et le Messager (saw) dit :

« Elle arrivera quand la servante enfantera sa maîtresse et quand tu verras les va-nu-pieds, les déguenillés et les gueux, parmi les bergers, se rivaliser dans l'édification de construction élevée »

Quand l’homme partit, j’attendis quelque temps, puis le Prophète (saw) me dit : « Ô Omar ! Sais-tu qui est cette personne qui est venue minterroger ? »

« Allah et Son Messager le savent mieux », lui répondis-je.

Il me dit alors : « Cest Jibrîl qui est venu vous apprendre votre religion » ». (6)

Toutes les questions formulées par le Messager (saw) avaient pour objectif d’enseigner et d’éduquer les personnes ; il résolvait toujours le problème des gens de manière que tout le monde acquiesce et le comprenne ; c’est pour cela qu’on l’appela « le Prophète de la solution ». Bien sûr, son objectif principal a toujours été de guider les gens vers le salut et chaque méthode d’enseignement  pratiquée par le Prophète (saw) se base en réalité sur ce fondement.

Un autre bel exemple d’enseignement par le dialogue est l’effort qu’il entreprit pour convaincre par ce biais, au lieu de le blâmer et de le critiquer, un jeune qui était venu lui demander, emporté et déboussolé par les sentiments qui perturbent la jeunesse, l’autorisation de forniquer. Le Prophète (saw) demanda à ce jeune s’il serait satisfait qu’un tel acte soit fait à sa mère, sa sœur ou sa tante (7). Il mit fin au désir de ce jeune compagnon en réussissant tout d’abord à le convaincre que cela était mal par une simple question, puis par la contemplation bénite du Prophète (saw) (nazar) et son invocation. Ce jeune fut donc convaincu par sa propre réflexion que sa demande était irraisonnable. Ainsi, un acte blâmable fut empêché avec une grande délicatesse.

Nous pouvons donc affirmer que l’interaction verbale, méthode qui consiste à ce que l’enseignant questionne ses disciples, est un moyen important d’éduquer les cœurs. Le Prophète (saw) utilisa cette méthode de nombreuses fois avec grande habileté. Il transmit le message d’une manière simple et claire en donnant des exemples frappants et il encra des notions importantes dans l’esprit de ses compagnons en les poussant à la réflexion. Toutes les questions formulées par le Messager (saw) avaient pour objectif d’enseigner et d’éduquer les personnes ; il résolvait toujours le problème des gens de manière que tout le monde acquiesce et le comprenne ; c’est pour cela qu’on l’appela « le Prophète de la solution ». Bien sûr, son objectif principal a toujours été de guider les gens vers le salut et chaque méthode d’enseignement  pratiquée par le Prophète (saw) se base en réalité sur ce fondement.

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[1] Boukhari, ‘İlim 11, Adab 80, Jihad 164; Muslim, Jihad 6-7.

[2] Boukhari, Mewaqit 6; Muslim, Masajid 283; Tirmidhi, Amthal 5; Nasa’i, Salat 7; İbn Maja, İkamah 193.

[3] Muslim, Birr 59; Tirmidhi, Qiyamah 2.

[4] İbn Mas’ud (ra) rapporte : le Prophète (saw) nous demanda : “Qui est lhomme fort selon vous ? » Les compagnons répondirent « celui que personne n’arrive à terrasser ». Le messager dit alors : “ Le fort n'est pas celui qui terrasse les gens dans la lutte, mais le fort est celui qui reste maître de lui-même dans la colère”. Muslim, Birr 106, (2608); Abu Daoud, Adab 3, (4779)

[5] Boukhari, İlim 4; Muslim, Sifat al-Munafikin 64.

[6] Boukhari, İman 1; Muslim, İman 1.

[7] Ahmad b. Hanbal, Musnad 5.

Revue “Siyar Al-Nebi”, numéro 24.

قَلَ رسول الله (صلى الله عليه و سلم ) : " كُلُّ مُسْكِرٍ خَمْرٌ , وَ كُلُّ مُسْكِرٍ حَرَامٌ , وَ مَنْ شَرِبَ الخَمْرَ فِي الدُّنْيَا فَمَاتَ وَهُوَ يُدْمِنُهَا , لَمْ يَتُبْ , لَمْ يَشْرَجْهَ فِي الآخِرَةِ. "
Le Messager d’Allah (saw) a dit :

“Tout ce qui enivre est une boisson alcoolisée et tout ce qui enivre est illicite. Celui qui boit de l’alcool en ce monde puis meurt en état de dépendance sans se repentir n’en boira pas dans l’au-delà.”

Sahih Muslim, Livre des boissons, Hadith 5218