Soumayya ou bien la Première Femme

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lundi 28 décembre 2015

Soumayya ou bien la Première Femme

Les élites, de peur de perdre leur dominance, refusèrent cet appel en exprimant leur conception ségrégative de la société ainsi : “Il n’y a que les pauvres et faibles de la société qui s’attachent à lui”.

La prédication secrète avait duré trois ans. Après cette période, le Prophète (saw) appela son peuple ouvertement à embrasser l’Islam. Les élites, de peur de perdre leur dominance, refusèrent cet appel en exprimant leur conception ségrégative de la société ainsi : “Il n’y a que les pauvres et faibles de la société qui s’attachent à lui”.

Effectivement, ses compagnons étaient majoritairement des migrants, des personnes rejetées, des esclaves ainsi que des jeunes éclairés et critiques qui ne pouvaient pas se contenter des pensées héritées de leurs ancêtres. Cependant, des exceptions comme Abou Bakr ont existé. L’intéressement et la fidélité des esclaves ont été perçus par l’élite de Quraych assez importants pour être considérés comme une raison de dénigrer la nouvelle religion.

Un jour, des hommes armés, le visage couvert jusqu’aux yeux, se mirent à tenir les voies et sorties importantes de La Mecque pour interroger chaque passant : “ As-tu un rapport avec Muhammad ?”

Sans faire aucune exception, homme ou femme, âgé ou jeune, tous les musulmans interceptés étaient frappés, puis laissés dans une mare de sang. Ils espéraient ainsi obliger les musulmans à s’opposer à Muhammad (saw) et déclarer ne plus croire aux versets coraniques qu’ils lisaient avec grand respect.

La famille d’un des descendants d’Al Moughira ibn Abdoullah ibn abi Makhzoum avait commencé à torturer Soumayya bint Khanat. Les tortures prendraient fin lorsqu’elle se déciderait à nier sa nouvelle religion. Son mari Yassir et son fils ‘Ammar, aussi musulmans, étaient sujets aux mêmes tortures. Yassir était un jeune venu du Yémen à La Mecque, réfugié auprès d’Abou Houdhayfa, il avait commencé à travailler pour lui. Houdhayfa l’avait marié à Soumayya, puis l’avait affranchi quand elle eut des enfants. Muhammad (saw) tentait de les soutenir en leur disant : “Patience famille de Yassir, patience ! Votre destination est le paradis ... !”

Muhammad Ghazali explique que le Prophète (saw) installait la confiance dans le cœur de ses compagnons. Il leur transmettait l'espoir de la grande victoire de l’Islam qu’Allah lui avait fait descendre dans son cœur.

L’histoire est témoin d’une femme esclave qui, malgré les tortures, décide de se libérer. C’est au même moment, la renaissance de la femme dans l’histoire. L’Islam, à travers l’exemple de Soumayya, a permis aux femmes de réapparaître dans une société qui les avait rendus invisibles.

Parfois, ce sont les esclaves eux-mêmes qui font asseoir leur maître sur le trône ou bien ceux qui se comportent tels des esclaves, ceux qui cèdent à leur sentiment d’impuissance et glorifient les trônes et les couronnes. C’est peut-être la première fois qu’aux yeux de ses bourreaux, lorsqu’elle déclare ne jamais accepter de se détourner de la nouvelle religion embrassée, que Soumayya était considérée sérieusement comme une personne, un être à part entière. Plusieurs siècles avant la philosophie de Hegel, la conscience de cette esclave s’envolant vers une nouvelle liberté, laissa perplexes ses anciens seigneurs. Le maître, ne prenant aucunement en considération celle qui avait été marquée esclave dans sa vie, tente de faire taire par la force ces mots qui lui semblent étrangers et le plongent dans une peur atroce.

L’histoire est témoin d’une femme esclave qui, malgré les tortures, décide de se libérer. C’est au même moment, la renaissance de la femme dans l’histoire. L’Islam, à travers l’exemple de Soumayya, a permis aux femmes de réapparaître dans une société qui les avait rendus invisibles.

Nous ne savons pas exactement comment était la vie de Soumayya au sein de son foyer. Sa résistance face aux tortures la place loin de notre conception d’une esclave, de ce que les sociologues poststructuralistes qualifieraient de “subalterne”. Les femmes “subalternes” de l’Indienne Gayatri Spivak, auteur de recherches postcoloniales et déconstructivistes, se tiennent à la vie, trainées d’une position à l’autre sans leur consentement. Elles sont privées de toutes libertés d’expression et ne peuvent parler en aucun cas. En dehors d’elles, tout le monde parle en leur nom, de telle façon que leur histoire est retracée sans cesse par le groupe auquel elles seraient attachées.

La résistance de Soumayya a eu lieu grâce à la naissance d’une nouvelle conscience. La nouvelle religion a été, pour Soumayya, l’aube d’une nouvelle personnalité. Cet éveil n’est rien d’autre qu’une invitation à devenir un être à part entier ou une personne consciente de sa faculté extraordinaire de réflexion.

Quelquefois, même si le sujet reste invisible, il apparaît à travers les signes appropriés. Cependant, les élites de Quraych n’ont pas pu supporter les signes d’une émancipation des personnes sous leur autorité. Ils contraignent les voix au silence et noient les corps dans le sang.

La résistance de Soumayya a eu lieu grâce à la naissance d’une nouvelle conscience. La nouvelle religion a été, pour Soumayya, l’aube d’une nouvelle personnalité. Cet éveil n’est rien d’autre qu’une invitation à devenir un être à part entier ou une personne consciente de sa faculté extraordinaire de réflexion... *   

La violence des familles anciennement propriétaires d’esclaves et même de ceux qui désirent protéger le privilège de posséder un esclave, illustre leurs oppositions aux conceptions de la nouvelle religion interdisant la ségrégation sociale et la soumission de l’Homme à l’Homme. Une esclave, une femme, une femme esclave, comment peut-elle se sentir libre au point de changer de religion... C’est l’horizon d’une liberté ontologique de tous les esclaves qui commence à faire trembler les fondements de l’organisation de La Mecque.  S’il existe bien plusieurs notions concernant la liberté, l’une d’entre elles est sans aucun doute «la considération». Soumayya a pu résister aux souffrances avec une force et une confiance en soi que lui donna une religion qui la considère, qui s’adresse à elle en tant qu’actrice d’une révolution, une personne libre de prendre ses propres décisions.

Une descendante d’Hajar, Soumayya, une femme de la couche sociale la plus basse ... Ni sa parole n’atteint les personnes, ni ses services ne sont reconnus. Même une fois libérée de l’esclavage, elle est considérée la possession d’autrui. Son intelligence, sa conscience sont ignorées et donc sa participation à la société est limitée.

Soumayya est la première musulmane de l’histoire à mourir pour avoir tenu fermement à ses choix.

Les silhouettes pleines de sueur et ensanglantées de Soumayya ainsi que de ses camarades qui ont participé à sa résistance, ouverte ou couverte, se promènent dans mon histoire, "Acı Çekmiş Yüzünde". (Dans le visage tourmenté)

 

*Edward L. Murray,  Muhayyileye Dayalı Düşünmek (Imaginative thinking and human existence), p. 350, Traduction : Yusuf Kaplan,  Açılım Kitap; Istanbul, 2008.

 

قَلَ رسول الله (صلى الله عليه و سلم ) : " كُلُّ مُسْكِرٍ خَمْرٌ , وَ كُلُّ مُسْكِرٍ حَرَامٌ , وَ مَنْ شَرِبَ الخَمْرَ فِي الدُّنْيَا فَمَاتَ وَهُوَ يُدْمِنُهَا , لَمْ يَتُبْ , لَمْ يَشْرَجْهَ فِي الآخِرَةِ. "
Le Messager d’Allah (saw) a dit :

“Tout ce qui enivre est une boisson alcoolisée et tout ce qui enivre est illicite. Celui qui boit de l’alcool en ce monde puis meurt en état de dépendance sans se repentir n’en boira pas dans l’au-delà.”

Sahih Muslim, Livre des boissons, Hadith 5218